• Radio
    • Grille des émissions
    • Prochains programmes
    • Nos partenaires
  • Emissions
    • Emissions Arts et culture
    • Emissions Musique
    • Emissions Société
  • Podcasts
    • Emissions A - G >>
      • Au fil des pages
      • Atterré.e.s et compagnie
      • Cappuccino
      • Championnes
      • Chute libre
      • Dialogues
      • De l'huile sur le jeu
      • Fréquence Droits
    • Emissions H - O >>
      • Harmonie du soir
      • Homo Urbanicus
      • Horizons XXI
      • Horizons Partagés
      • Jazzland
      • L'étincelle dans la ville
      • La vie est un roman
      • La vie rêvée des ondes
      • Les arènes de l'écologie
      • Les jeunes partagent
      • L'Histoire sur les ondes
      • Lusitania
      • Musicalement vôtre
      • Odyssées immigrées
    • Emissions P- Z >>
      • Philosophie au présent
      • Radioscenic
      • Recherche en cours
      • Respirations
      • Tocades
      • Version originale
      • Vive le cinéma !
      • Voix contre oreille
      • Youyous et chuchotements
    • Les émissions spéciales en réécoute
    • Semaine thématique : Quartiers populaires
    • Semaine thématique : Les mains ont la parole
    • Semaine thématique : Voix sans frontières
    • Podcasts à l'abonnement
  • Faire un don
  • Qui sommes-nous ?
    • Contacts des animateurs et animatrices
    • Contact de la radio
    • Les animateurs et animatrices
    • Radio
      • Grille des émissions
      • Prochains programmes
      • Nos partenaires
    • Emissions
      • Emissions Arts et culture
      • Emissions Musique
      • Emissions Société
    • Podcasts
      • Emissions A - G
        • Au fil des pages
        • Atterré.e.s et compagnie
        • Cappuccino
        • Championnes
        • Chute libre
        • Dialogues
        • De l'huile sur le jeu
        • Fréquence Droits
      • Emissions H - O
        • Harmonie du soir
        • Homo Urbanicus
        • Horizons XXI
        • Horizons Partagés
        • Jazzland
        • L'étincelle dans la ville
        • La vie est un roman
        • La vie rêvée des ondes
        • Les arènes de l'écologie
        • Les jeunes partagent
        • L'Histoire sur les ondes
        • Lusitania
        • Musicalement vôtre
        • Odyssées immigrées
      • Emissions P- Z
        • Philosophie au présent
        • Radioscenic
        • Recherche en cours
        • Respirations
        • Tocades
        • Version originale
        • Vive le cinéma !
        • Voix contre oreille
        • Youyous et chuchotements
      • Les émissions spéciales en réécoute
      • Semaine thématique : Quartiers populaires
      • Semaine thématique : Les mains ont la parole
      • Semaine thématique : Voix sans frontières
      • Podcasts à l'abonnement
    • Faire un don
    • Qui sommes-nous ?
      • Contacts des animateurs et animatrices
      • Contact de la radio
      • Les animateurs et animatrices
    Se connecter
    • Les émissions en réécoute
    • Dialogues - Le podcast
    • DIALOGUES# 22 février 2025-La création, dialogue avec Eric Zernik

     


    DIFFUSION sur la FM :

    Lundi - vendredi : 4h -12h et 17h - 21h
    Samedi : 16h - minuit
    Dimanche : 00h - 14h et 22h - 4h

     


    DIFFUSION SUR INTERNET et sur LE DAB
    :

    24 heures sur 24

    . . . . Ecouter on line . . . . . .

    DIALOGUES# 22 février 2025-La création, dialogue avec Eric Zernik

    La création, dialogue avec Eric Zernik

    Invité : Eric Zernik, philosophe et enseignant en classes préparatoires .

    Animatrice :Isabelle Raviolo

    Thème : philosophie et création

     

    Présentation du livre collectif : la création 

    Ce livre intitulé “la création” est le fruit d’un travail collectif paru en 2024 aux éditions Atlande dirigé par Philippe Lemarchand dans la collection clefs concours philosophie. Il est consacré à la notion de création;  il est dirigé par Eric Zernik, philosophe, écrivain et enseignant, que nous avons la joie de recevoir à l’antenne de Radio Aligre. La ligne éditoriale et remarquable : elle est intelligente et dynamique. Eric Zernik a su envisager toutes les dimensions de la création (création ex nihilo, création artistique, génie, ou encore imagination créatrice) en les pensant les unes par rapport aux autres dans un dialogue commun et fécond : il part du modèle théologique, et poursuit en explorant trois principales dimensions: philosophique, politique et esthétique.

    Auteurs : Éric Zernik (dir.), Denis Collin, Matthias Gault, Pierre Guenancia, Jean-Michel Muglioni, IsabelleRaviolo, Anita Sanchez Bourdin, Véronique Verdier. Ce collectif vise un public de philosophes et d’enseignants, mais pas seulement. Il vise aussi un plus large public par des articles clairs, passionnants et qui donnent le désir d’approfondir le sujet, de lire, à des spécialistes comme à des non spécialistes.

    Préambule:

    Que faut-il entendre par « création » ? Quels sens recouvre ce mot ? On peut  créer une association, un compte Twitter, ou encore un blog… On peut aussi parler  d’un élève créatif, ou dire de quelqu’un qu’il manque de créativité… Dans le monde  de l’art, Le créateur n’est pas le suiveur… C’est Mozart, pas Salieri… La création  n’est ni imitation ni répétition : «le premier qui compara la femme à une rose était  un poète, le second un imbécile » (Nerval). Mais que nous disent tous ces sens du  mot sur la création ? Qu’est-ce que la création ? N’est-ce pas ce que l’on pourrait rattacher au principe, au commencement? 

    - Genèse Chapitre 1, verset 1 : Au commencement Dieu créa la terre et le ciel. /Bereshit Bara Elohim Et HaShamayim V’et HaAretz. 

    - L’Evangile selon Jean s’ouvre sur cette affirmation : Au commencement était la Parole, et la Parole était auprès de  Dieu, et Dieu était la Parole. Avant le commencement il y avait Dieu depuis toute éternité, Dieu incréé. Avant le commencement du temps et de la dualité (les cieux et la terre), il y avait  l’Eternel, dans Son unité. La Torah commence par la lettre beth qui est la deuxième lettre de l’alphabet  hébraïque.  Avant beth, il y a la lettre aleph, qui équivaut numériquement au chiffre 1. Avant le monde de la dualité qui est celui où nous vivons, il y a le monde de l’Unité,  celui de Elohim.  Ainsi fut créée la dualité, symbolisée par la deuxième lettre de l'alphabet. La lettre beth, qui équivaut numériquement au chiffre 2 (nombre pair qui annonce  la multiplicité) a aussi sa propre signification : c’est la maison, la demeure,  l’espace intérieur ou délimité. « Jacob nomma l'endroit, là où Elohim avait parlé avec lui : Bethel. » (Genèse  35.15) Bethel : Maison de Dieu. Au commencement... Dieu créa une maison, un espace délimité : l’Univers ! Le premier mot de la Genèse se décompose ainsi en deux : 

    - BETH, c’est l’espace où va se dérouler l’histoire universelle, 

    - RESHIT qui vient de rosh, et désigne la tête en hébreu, c’est-à-dire ce qui est  prioritaire dans le temps, avant toute autre chose : En tête... Le premier mot de la Genèse (Γενεσις) associe à la fois les notions d’espace et de  temps. Au commencement Dieu créa la terre et le ciel. Bereshit Bara Elohim Et HaShamayim V’et HaAretz. Ce verset contient 7 mots qui font référence aux sept jours de la Création. Il  contient, en outre, 28 lettres, le nombre de jours lunaires, mais également valeur  du mot hébreu ‘koach’, puissance. 

    La lettre Beth symbolise la Berakha, la bénédiction. Rashi (ou rabbi Salomon de  Troyes, rabbin, poète et exégète du XIème siècle, né en 1040 et mort à Troyes en  1105) réinterprète la première lettre Beth comme signifiant “pour l’amour de”, pour  l’amour d’Israël et de la Torah qui sont toutes deux associées au mot Reshit.  Dans le terme BARA se dit la création ex nihilo.


    La création est un mot complexe au croisement de la théologie, de la  philosophie et de l’art. Il comprend plusieurs dimensions. Le verbe créer, comme  les termes de création, créateur ou créatif sont des mots à la mode : leur  connotation positive fascine. Être un créateur, c’est se distinguer du commun des mortels, sortir du lot, et lancer  sa marque, son produit. Le créateur est souvent comparé au génie : que ce soit un grand chef cuisinier, un grand couturier, ou encore un danseur, un peintre, un  philosophe. Il se démarque par un style, une invention. Mais que faut-il entendre  par « création » dès lors qu’on rapporte ce mot à Dieu, et par analogie à l’Homme. Jusqu’où est-ce pertinent de parler de l’Homme créateur ? 


    Le texte ci-dessous rend compte de l’ensemble du questionnement préparatoire d’I.Raviolo et ne constitue pas la restitution complète de l’entretien.

    •  Eric Zernik, vous choisissez de fonder votre ligne éditoriale, le fil  conducteur de ce collectif consacré à la création sur un étonnement  philosophique : de la création du monde par Dieu à la création d’une œuvre d’art par l’homme, quelque chose s’opère qui est comme un miracle, càd un événement qui semble échapper à l’ordre des choses, dites-vous dans votre préface. C’est ce miracle qui est, je trouve, bien rendu dans le film de  Terrence Malick, The tree of life. Le cinéma parvient à créer ce rapport unique  entre l’espace et le temps où la linéarité se brise pour rendre compte d’une  circularité… ce qui tient à la fois du même et de l’autre, d’un oxymore  pourrait-on dire… Cela tient du merveilleux. Le lecteur et nos auditeurs  pourraient alors penser au thaumadzein grec (Platon, Théétète 155 d et  Aristote, Métaphysique A), et d’autres l’associer à « la magie de l’art », au pouvoir de la technique. 

     

    → Qu’est-ce donc qui est « miraculeux » dans la création, dans ce processus créatif qui est de faire surgir du nouveau ? Et en quel  sens alors peut-on parler de « vocation créatrice de l’Homme » comme  vous le dites dans votre article consacré à J.-J. Rousseau, la vocation se  tenant selon vous dans la tension entre le présent et le futur ?

    -L’image que le mythe du créateur et de la création nous renvoie est celle d’un  être confronté à une tâche impossible et à un défi que l’homme ne peut pas  relever par ses seules forces…  Je pense au mythe du Golem, très présent encore à Prague et dans le  monde ashkénaze. Le Golem Un golem (גולם, » embryon », « informe » ou  « inachevé ») est, dans la mystique puis la mythologie juive, un être artificiel,  généralement humanoïde, fait d’argile, incapable de parole et dépourvu de  libre-arbitre, façonné afin d’assister ou défendre son créateur. Mentionné  dans la littérature talmudique, le Golem acquiert une popularité  considérable dans le folklore juif d’Europe centrale. Dans l’une des versions  les plus populaires de sa légende, reprise par certains contes chrétiens, il naît de la terre glaise après que quatre sages, figurant les quatre éléments,  ont pourvu sa matière informe de leurs attributs ; sur son front figure le  mot emet (אמת, » vérité ») qui devient, lorsque sa première lettre est  effacée, met (מת, » mort»), faisant retourner l’homme artificiel à la  poussière. Négligeant la spécificité de cette créature, quelques auteurs  affirment que les légendes du golem auraient pu inspirer bon nombre de  figures de l’imaginaire moderne dont Frankenstein de Mary Shelley.  Spinoza nous rappelle que le « miracle » qui contredirait la nature n’existe pas (Traité théologico-politique VI : « Il n’arrive rien dans la nature qui soit contraire à ses lois universelles, rien qui ne soit d’accord avec ces  lois et qui n’en résulte. Tout ce qui arrive se fait par la volonté de Dieu et son éternel décret : en d’autres  termes, tout ce qui arrive se fait suivant des lois et des règles qui enveloppent une nécessité et une vérité  éternelles. » « Elle appelle depuis le futur, mais elle ne s’entend qu’au présent ». E. Z. p. 196

    → Eric Zernik, n’est-ce pas dans ses œuvres d’imagination que la  créature prend le dessus sur son créateur ? 

    On pense au génie qui désigne cet esprit qui nous habite et veille sur nos  destinées Pourquoi dans ce mythe du génie le paradigme de la création ex nihilo n’est jamais loin … Si l’artiste de génie que fut Léonard de Vinci a su rendre l’âme de la Vierge Marie et de sainte Anne avec une grâce inouïe, ce  n’est pas d’après modèle… par imitation… Mais bien en rendant visible  l’invisible… en conférant à l’absence une manière de présence. Et le génie  est ainsi « porté à la limite ». 

    → Comment faut-il entendre cet invisible, Eric Zernik ? Quelle est cette  présence d’absence et quelle est donc cette « limite » dont vous parlez ? 

     Bien que la création humaine reste liée au temps, elle s’arrache aussi au  cours de ce temps empirique. Réfléchir son temps, l’élever à son sens, n’est  possible que si l’on cesse de simplement lui appartenir, dite-vous dans la  préface du Collectif : « Paul Cézanne nous montre la Sainte-Victoire détachée de toutes nos  habitudes, comme si on ouvrait les yeux pour la première fois. » (Eric Z.) Qualité, lumière, couleur, profondeur, qui sont devant nous, n’y sont que  parce qu’elles éveillent un écho dans notre corps, parce qu’il leur fait  accueil. Cet équivalent interne, cette formule charnelle de leur présence  que les choses suscitent en nous, déterminent un autre rapport à la création  artistique. Maurice Merleau-Ponty en rend compte quand il parle de  Cézanne dans L’Œil et l’Esprit : L’« instant du monde » que Cézanne voulait  peindre et qui est depuis longtemps passé, ses toiles continuent de nous le jeter, et sa montagne Sainte-Victoire se fait et se refait d’un bout à l’autre du  monde, autrement, mais non moins énergiquement que dans la “roche dure  au-dessus d’Aix.” 

    → Essence et existence, imaginaire et réel, visible et invisible, la peinture  brouille toutes nos catégories, Eric Zernik. Alors en quoi peut-on dire que ce que le créateur essaie de nous «traduire » s’enchevêtre aux racines  mêmes de l’être, à la source impalpable des sensations ? 

     Cézanne a cherché la profondeur toute sa vie et cette profondeur est l’inspiration nouvelle. Quand ce peintre cherche la  profondeur, c’est une déflagration de l’Être qu’il cherche : il sait que  l’enveloppe, la forme externe, est seconde, dérivée, qu’elle n’est pas ce qui  fait qu’une chose prend forme, qu’il faut briser cette coquille d’espace,  rompre le compotier. 

    → Est-ce qu’alors on peut dire que Cézanne a plongé dans le solide dans l’espace même, et constaté que dans cet espace, les  choses se mettent à bouger couleur contre couleur, à moduler dans  l’instabilité ? 

     La couleur comme un son… : elle serait l’endroit où notre cerveau et  l’univers se rejoignent. Or, quand on parle de création artistique, il ne s’agit donc pas des couleurs, « simulacre des couleurs de la nature », il  s’agit bien de la dimension de couleur, comme le disent P. Klee et W. Kandinsky, celle qui crée d’elle-même à elle-même des identités, des  différences, une texture, une matérialité, un quelque chose... Le retour à la  couleur a le mérite d’amener un peu plus près du « cœur des choses » : mais  il est au-delà de la couleur-enveloppe comme de l’espace-enveloppe.  

    →Toutefois, ne peut-on pas dire que l’œuvre musicale est encore plus  proche de ce que nous appelons la créationqui dit à la fois  le processus et le résultat ?

    Car le son se défait au fur et à mesure qu’il  apparaît de sorte que le résultat s’identifie au processus. Comme le dit  Matthias Gault dans son article (« La “précarité créatrice”à l’épreuve des  pratiques musicales ») : « C’est surtout en musique que se conjuguent le  neuf et le vivace. Dans sa presque disparition ondulatoire, le son, en tant  que vibration de l’air, a une fluidité et une labilité que n’ont pas les mots du romancier ou du poète, les couleurs et les traits du peintre, la  matérialité de la sculpture ou de l’architecture ». Qu’en pensez-vous ? 

     Vous affirmez ainsi dans votre préface que ce sont les arts à deux temps  (danse, théâtre et musique) qui livrent avec la plus grande exactitude ce qu’il  en est du processus créatif : ils existent à chaque fois qu’ils ont lieu, se  représentent. 

    →C’est ici que j’aimerais revenir sur le mot de  représentation. Quel est au juste son statut ? En quoi n’est-elle pas une  simple image ? En quoi peut-on dire qu’elle rend compte du jeu subtil  entre le sensible et le sens ? 

     Comme le développe Henri Bergson, la vie est porteuse d’une créativité qui  oppose un démenti à l’ordre des choses et à la répétition du même. Pas de  création sans invention et sans une radicale altérité par rapport à tout ce qui  existe et a existé. Mais il ne suffit pas de dire qu’une création est originale, il  faut encore que cette originalité imprime sa marque de manière irréversible.  En quel sens peut-on dire que l’artiste crée du possible en même temps que  du réel quand il réalise son œuvre ? Quels sont les sens que l’on peut donner  au possible ? Tout se passe comme si la chose et l’idée de la chose, sa réalité  et sa possibilité, n’étaient pas créées du même coup lorsqu’il s’agit d’une forme véritablement neuve.  Toute création s’apparenterait alors à une fulgurance et le grand artiste,  quant à lui, opèrerait une transsubstantiation… 

    → Quel sens donnez-vous à ces deux termes : en quoi sont-ils particulièrement pertinents selon vous pour parler de la création  artistique ?  Est-ce que vous leur donnez un sens bergsonien à l’instar de Véronique  Verdier dans son article (« La création artistique, une instauration de la  nouveauté ») : la création est-elle ce jaillissement d’une imprévisible  nouveauté? Si automatisme et répétition caractérisent le vivant, que veut dire Bergson quand il dit que seul l’humain parvient à exprimer la plus grande liberté possible ? La fécondité du nouveau désigne le fait qu’une création ne s’arrête pas à  elle-même, qu’elle ouvre sur un avenir qui sera lui-même créateur, porteur  de nouveautés. Si la création se caractérise par le nouveau, le philosophe cherche à signifier cette nouveauté qui est le fruit de l’activité créatrice. Si  elle n’est ni ce qui ne passe ni ce qui périme, on peut se demander en quel  sens l’œuvre d’art se saisit dans l’éclat de sa première expression… Car un créateur peut, à tout moment, se démettre de sa part  d’innovation en ne faisant plus que se répéter lui-même …

    →Le nouveau  ne produisant pas du nouveau par inertie, que faut-il pour produire du  nouveau? Quelle est donc cette marque singulière du  créateur qui s’exprime par des signes distinctifs (l’âne et le coq chez  Chagall, ou encore une temporalité particulière chez Marcel Proust) ? 

     Quand vous dites que l’artiste ne nous éloigne pas du sensible, mais  qu’avec le seul jeu des apparences, il fait apparaître et du même coup rend  présent, quoique de manière quasi fantomatique, ce qui est au-delà de  toutes les apparences … et que c’est ainsi les mains dans la glaise et la tête  (et aussi dans les nuages), qu’il accomplit son humanité profonde, je ne peux pas ne  pas penser à Boris, le jeune fondeur de cloches dans le film Andrei Roublev de Tarkovski, à ses larmes… Pour moi, c’est un peu la métaphore de l’artiste par excellence : il y a l’idée qu’il n’y a pas une transmission de savoir-faire qui garantirait la  réussite. Lorsqu’on se lance dans le travail artistique, on fait un pari, on n’est  sûr de rien.   C’est comme un artisanat… En cela on rejoint Nietzsche dans Humain, trop humain et ce que Jean-Michel Muglioni dit sur Alain dans son article (« L’imagination est-elle créatrice ? ») : « La prétendue richesse n’est rien tant  que le travail n’a rien réalisé, tant qu’il n’a pas donné existence à ce qui n’est  que fantôme évanescent. » (JMM). On voit ainsi par les Carnets de  Beethoven, qu’il a composé ses plus magnifiques mélodies petit à petit, les  tirant pour ainsi dire d’esquisses multiples.

    « Tous les grands hommes  étaient de grands travailleurs, infatigables quand il s’agissait d’inventer, mais aussi de rejeter, de trier, de remanier, d’arranger. » Friedrich  NIETZSCHE, Humain, trop humain (1880), §§ 155-156. 

    →Que pensez-vous de la position d’Alain sur l’artiste comme travailleur ?

    S’il a peut-être raison de dire que le pouvoir de penser et de rêver ne fait  pas l’artiste, ne doit-il pas aussi en passer par la pensée et le rêve pour  le faire ? Peut-on réduire l’imagination créatrice au pouvoir d’exécuter?  Ne peut-on dire avec Karl Marx (voir l’article de Denis Collin) et Simone Weil que  si le travail est l’essence de l’homme, c’est parce que l’Homme se manifeste  par ses capacités à créer quelque chose qui n’existe pas naturellement ? C’est bien quand le travailleur est transformé en « moyen » que sa puissance  créatrice, celle par laquelle il manifeste sa subjectivité, est niée. 

    → Mais comment aujourd’hui redonner cet élan créateur au travailleur ? 

    Quels seraient les perspectives sociales et politiques pour que se  mettent en place cette grande santé au travail : la santé qui consiste à  faire jaillir cette puissance créatrice dans l’âme du travailleur ? Comment re-poétiser le travail à l’instar de ce qu’en dit Weil  dans La Pesanteur et la Grâce (Mystique du travail) : 

    -« La grandeur de  l’homme est toujours de recréer sa vie. Recréer ce qui lui est donné. » …

    - « Les travailleurs ont besoin de poésie plus que de pain. Besoin que leur  vie soit une poésie. Besoin d’une lumière d’éternité. » 

    Au fond, si nous attribuons une plus grande consistance aux arts  dits achevés, c’est peut-être en raison d’un malentendu… : en raison de la  permanence et de la stabilité de l’œuvre (celles qu’enseignent Arendt dans  La Condition de l’Homme moderne)… Mais c’est oublier trop vite que la  création artistique s’accomplit dans le regard, dans l’écoute, dans  l’attention. 

    → Que pouvez-vous nous dire de cette attention? Lui  accordez-vous un sens weilien ? 

     Pour terminer, je dirai que si une œuvre d’art se cristallise au moment  même où sa matérialité devient pour celui qui s’en approche une métaphore qui nous porte au-delà sans pour autant disparaître derrière ce vers quoi elle  fait signe, en quel sens peut-on dire que l’objet de la création est cet obscur  objet du désir (L. Bunuel)… l’objet d’un désir pour une absence comme nous le montre la sculpture d’Alberto Giacometti : L’objet invisible.  Mains tenant le vide (1934-35). 

    → Alors en quel sens peut-on dire que l’authentique créateur crée ce qui  n’existe pas à la manière dont vous dites dans votre article sur E. Kant  que le génie « figure l’infigurable » ? Au fond, le génie ne crée-t-il pas des  fantômes qui viennent nous hanter la nuit ?


    Musique 1 : Le chant de la Terre (Das Lied von der Erde) de Gustav Mahler.

    Musique 2: La Symphonie n° 6 en fa majeur, opus 68 dite  symphonie Pastorale de L V Beethoven


    Télécharger le podcast

    Nos derniers podcasts

    • CHAMPIONNES #12 MMA Portrait d Amanda Nunes

      Tous les vendredis à 19h, découvrez des portraits de...
    • Jazzland - 17.05.2025 - Audrey Pierre,...

      Emission de Lionel Eskenazi sur l'actualité du jazz autour du...
    • La vie est un roman # 20 mai 2025 –...

      Au programme de La vie est un roman, du mardi 20 mai de 11h à...
    • Respirations # 13 mai 2025 - Rencontre...

      Thème :  un Japon rêvéRencontre avec...
    • POPCORN & BANJO # 19 MAI 2025 - LES...

      Dans cet épisode nous reviendrons sur Le joli mai de Chris...
    • Cappuccino # 18 mai 2025 - avec Matteo...

      Matteo Lascialfari des ACLI PA Service de Paris commente le prochain...
    • Odyssées immigrées # 16 avril 2025...

      Odyssées immigrées se rend à l’espace...
    • CHAMPIONNES #11 Rugby Portrait d Ilona...

      Tous les vendredis à 19h, découvrez des portraits de...
    • MUSICALEMENT VÔTRE # 13 MAI 2025...

      Eva Blanche chez Aligre FM Portrait radiophonique d'Eva Blanche...
    • La vie est un roman # 13 mai 2025 –...

      Au programme de La vie est un roman, mardi 13 mai de 11h à 12h...
    • Jazzland - 10.05.2025 - Romain Pilon et...

      Jazzland en compagnie de deux guitaristes; Romain Pilon etr Yves Brouqui
    • Radioscenic #12 mai 2025

      Qu’est-ce qu’un homme après...

    Nos émissions

    • La vie rêvée des ondes

      La vie rêvée des ondes  La vie...
    • L'Histoire sur les ondes

      Entretiens avec des historiens et historiennes Émission...
    • Championnes

      Portraits de Légendes du sport féminin Tous les...
    • Les arènes de l'écologie

      L'actualité écologique Tous les mercredis de 19h...
    • Atterré.e.s et Compagnie

      Décryptage de l'économie Atterré.e.s et...
    • De l'huile sur le jeu

      Les héros méconnus du sport Nombreux sont les...
    • Radioscenic

      Emission théâtrale Radioscenic explore...
    • Horizons XXI

      Horizons XXI Horizons XXI est une émission qui...
    • Horizons Partagés

      Horizons Partagés Partir à la découverte du...
    • Jazzland

      Le Jazz sans frontières Animée par deux explorateurs...
    • Les jeunes partagent

      La parole aux jeunes inspirés et inspirants A l'antenne...
    • La scène de la semaine

      Critiques théâtrales Chaque semaine dans La...
    • Dialogues

      Poésie et philosophie     Emission...
    • Au fil des pages

      Magazine littéraire Une émission destinée...
    • L'étincelle dans la ville

      Promenades insolites L'étincelle dans la ville vous...
    • Les ateliers radiophoniques d'Aligre FM

      Les ateliers radiophoniques d'Aligre FM Depuis quarante ans, Aligre...
    • Youyous et chuchotements

      L'Orient compliqué (et fascinant)... sans idées...
    • Tocades

      Décrypter et réenchanter le monde Emission...
    • Chute libre

      Entretiens avec des écrivains de poésie...
    • Musicalement vôtre

      Les coups de cœur d'Aligre FM   Cette émission...
    • Du mouvement social !

      L'action citoyenne avec Attac     Emission...
    • Tant qu'il y aura des femmes

      Les femmes prennent la parole Emission bi-mensuelle (1er et 3e...
    • Fréquence Droits

      La Ligue des droits de l'Homme   Emission...
    • Harmonie du soir

      Histoire de la musique, de la période médiévale...
    • Respirations

      Arts internes et musiques associées Emission bi-mensuelle...
    • Philosophie au présent. Voix du Collège...

      Voix du Collège international de philosophie Emission...
    • DanceHall Reggae Vybz

      DanceHall Reggae Vybz   Depuis 2018,  DanceHall Reggae...
    • Vive le cinéma !

      Actualité du cinéma et musiques de...
    • Version originale

      Cultures et sociétés     Sous la...
    • Recherche en cours

      Les sciences et la recherche     Emission bi-mensuelle...
    • Odyssées immigrées

      L'immigration et les rapports Nord-Sud        ...
    • Lusitania

      Cultures lusophones   Lusitania vous invite à...
    • Homo Urbanicus

      Le monde...
    • La vie est un roman

      Art et littérature   Cette émission,...
    • Cappuccino

      Magazine italien   L'émission est la suite de...
    • Brasil alto astral

      Musiques brésiliennes La programmation de Brasil alto...
    • Audiometric

      Musiques électroniques et contemporaines   Cette...

    Retrouvez-nous sur

    ALIGRE FM

    • Secrétariat : 01 40 24 24 24 / 29 29
    • Courriel : contact@aligrefm.org
    • Pour les propositions musicales : musique@aligrefm.org
    • Nous recherchons des techniciens bénévoles en régie : recrutementregie@aligrefm.org
    • Réseaux sociaux : Instagram - Facebook
    • Pour joindre les responsables d'une émission,
      rendez-vous dans la rubrique "Les émissions" ou sur cette page

    logo page accueil.jpg (41 KB)Capture d’écran_10-9-2024_165710_.jpeg (222 KB)college de philosophie-double.jpg (139 KB)

    RadioKing ©2025 | Site radio créé avec RadioKing. RadioKing propose de créer une webradio facilement. Mentions légales

    Envoyer une dédicace


    Se connecter


    Mot de passe oublié ?

    Mot de passe oublié ? Pas de problème.